Quel est l’impact de l’infobésité sur nos vies et la société ?

Temps de lecture : 12 minutes

Avez-vous déjà fait attention au nombre total d’informations que vous gérez chaque jour ?

Que se passerait-il…

  • si les publicités, les mails intempestifs, les informations déprimantes et/ou inutiles disparaissaient de votre vie…
  • si vous choisissiez consciemment vos sources d’infos et ce que vous avez envie de savoir ?
  • si vous passiez juste le temps qu’il faut sur votre smartphone, la tv ou les réseaux sociaux ?

 

Vous gagneriez du temps pour faire d’autres choses, c’est sûr ! Mais si je vous disais, qu’en plus de ça, vous seriez sans doute de meilleure humeur, plus concentré, plus structuré, plus motivé et même plus créatif…

Ces dernières années, nous avons été sensibilisé:

  • à ce qui entre dans notre corps en prenant conscience des effets néfastes de la malbouffe.
  • à ce qui entre dans nos maisons en questionnant la surconsommation.
  • nous commençons suelement à nous intéresser sérieusement à ce qui entre dans notre cerveau !

 

Pourtant comme la nourriture ou les objets de consommation, une grande partie des infos que nous reçevons ont été formatées dans l’unique but de faire du profit.

C’est pour cette raison que je préfère le mot infobésité à surinformation. La qualité des informations consommées est tout aussi importante que la quantité. 

Avec les mails, nos smartphones, internet, les pubs… depuis près de 30 ans, le phénomène d’infobésité ne cesse de grandir, mais alors pourquoi n’en parle-t-on pas plus ?

Peut-être parce que la surcharge d’information :  c’est invisible, dématérialisé… et que tout cela s’est développé progressivement.

Si notre tête grossissait à vue d’œil à chaque surcharge, ou que notre cerveau vomissait par nos oreilles à chaque info avariée… on se serait sans doute déjà occupé du problème !

Définition de l'infobésité

L’infobésité est un concept désignant l’excès d’informations reçues par une personne qu’elle ne peut traiter ou supporter sans porter préjudice à elle-même ou à son activité. (source : Wikipedia)

Nous avons chacun, chacune notre propre seuil de tolérance.

Ce mot a été créé en 1983 par David Shenk (un écrivain américain). Il parlait de la masse grasse informationnelle qui étouffe nos processus intellectuels. Un mot inventé 6 ans avant l’apparition d’internet !

D’abord utilisé pour désigner le problème de la surcharge des mails et d’infos en entreprise, le phénomène s’est installé petit à petit dans nos vies avec la généralisation d’internet, des smartphones et des réseaux sociaux (et notre tendance à y être légèrement accro).

Si le cerveau est sur-sollicité, il sature et rame comme un disque dur presque plein.

Ironie du sort, le mot infobésité est lui-même noyé dans un brouillard informationnel ! 

Plus d’une dizaine de synonymes se font concurrence : surinformation, surcharge/fatigue/ nuage ou brouillard informationnel, overdose d’informations mais aussi de syndrome de débordement cognitif, burn out numérique, infodémie, charge mentale… 

Bien s'informer : un superpouvoir ?

Imaginez que votre esprit soit complètement clair et serein ! Plus aucun stress ! Vous savez qu’au moment ou vous devrez faire un choix, prendre une décision, écrire ou dire quelque chose… vous aurez accès instantanément aux infos exactes qu’il vous faut.

Je suis convaincue qu’être assuré·e d’avoir la bonne info au bon moment permet de se libérer l’esprit et d’améliorer sa vie. Et que reprendre le pouvoir en choisissant consciemment la façon dont on nourrit notre cerveau, nous rend plus heureux.

Et si apprendre à naviguer dans une société noyée par l’information nous donnait un véritable superpouvoir ?
(comme les lecteurs à l’invention de l’imprimerie).

Quelles sont les causes de l'infobésité ?

L’explosion de la quantité d’info 

90 % des données disponibles sur internet ont été créées ces deux dernières années alors qu’internet existe depuis 30 ans. Et cette production de données continue de s’accroître de façon exponentielle. Une image frappante : on a produit sur 20 ans plus d’informations qu’en 5000 ans d’histoire.

L’omniprésence de la pub

La pub s’immisce dans les moindres interstices de notre vie : dans nos médias, sur nos objets du quotidien, dans l’espace public… Si nous ne sommes pas dupes, nous ne sommes pas toujours conscient de son influence invisible !

Une course à l’attention

En d’autres mots, une course au profit !
Notre attention est une ressource rare car limitée. Chaque jour, de multiples sollicitations se disputent notre temps d’attention. et cette attention se vend à prix d’or auprès des publicitaires. Alors pour l’obtenir, tout est permis.

Vous connaissez bien sûr les titres putaclics, l’infotainment (infos divertissantes), les fakes news (l’indignation pour susciter des partages ), mais cela va beaucoup…beaucoup plus loin… Pour nous garder, les concepteurs nous ont créés des espaces confortables où l’on nous donne raison et on nous flatte (les bulles de filtres). Ils ont également utilisé les dernières connaissances en psychologie pour nous donner une irrésistible envie de rester grâce à des outils qui impactent nos comportements (le scroll infini, les dark pattern, les récompenses…)

Un rapport malsain aux outils numériques

La promesse de la technologie était de nous libérer des tâches répétitives et lourdes. Force est de constater que si elle nous a libéré une main, elle s’est empressée de réenchainer la deuxième.


En fait, nous utilisons ces outils intuitivement sans les connaitre vraiment. Des chercheurs se sont donc intéressés au développement de ce qu’ils appellent une intelligence numérique. Apprendre la langue, les coulisses, les modes de fonctionnement de nos outils nous permettrait de les comprendre pour les utiliser davantage à notre avantage. 

Un cerveau non adapté au surf

Depuis notre apparition sur terre, nous évoluons lentement, notre cerveau aussi. Il n’a clairement pas eu le temps de s’adapter aux nouvelles situations produites par la technologie. Nous fonctionnons donc avec un vieux logiciel plein de failles. Et, ces failles (biais cognitifs, limites) sont allègrement exploitées à nos dépends pour influencer et contrôler notre comportement face aux outils numériques. En en prenant conscience, nous pouvons agir sur ces failles, déjouer les manipulations et mettre en place des techniques pour remettre la technologie à notre service et donc nous en libérer. (Voir l’impact d’internet)

 

Nous ne cherchons plus l'info c'est l'info qui nous cherche

Quelles sont les conséquences de l'infobésité ?

Bien s'informer est devenu compliqué ! Ce qui a changé :

Nous sommes dans l’ère de la mal-information.

Il y a encore quelques années, le JT de 20h était LE rendez-vous d’information incontournable !
S’il a encore du succès, nous nous informons également aujourd’hui via internet et les réseaux sociaux71 % des 15-34 ans déclarent utiliser quasi quotidiennement les réseaux sociaux pour s’informer. (Médiamétrie 2018)

S’informer à l’ancienne avec les journaux classiques (TV, radio, papier) ou via internet, ça change quoi ?

Rendez-vous à heures fixes VS flux continu

Dès le réveil, via nos smartphones, nous avons accès à de l’information en continu. Une info en chasse une autre. Le dernier clash de téléréalité est au même niveau que la loi retraite qui vient de passer. Il n’y a pas de classement, ni de hiérarchie.
Et donc, on ne sait pas préparer notre cerveau pour lui dire : là, tu vas pouvoir ouvrir le tiroir X pour ajouter cette info aux connaissances déjà présentes.
Si nous voulons intégrer plus facilement une information qui accroche notre attention, nous devons rompre le flux intentionnellement. Mettre pause et se poser quelques questions : en quoi cette info est importante pour moi ? pour ma vision du monde ? Comment nuance-t-elle ce que je sais déjà ?

Information linéaire à une information en réseaux 

Les liens hypertextes sont une révolution dans notre façon d’aborder les infos. Mais même si le fonctionnement par associations d’idées est plus proche de la façon naturelle de fonctionner de notre cerveau, notre mémoire a beaucoup de mal à retenir les infos quand elle est sans cesse interrompue par des clics et des sauts de page. (Astuce : schématiser sur papier notre parcours de recherches permet de le visualiser et donc de mieux ancrer la structure des infos)

D’une information verticale à une info horizontale

Les journalistes font bien plus qu’écrire des articles. Via les réunions de rédactions, ils proposent des sujets, des angles d’approche et choisissent les événements qui méritent l’attention du public. Dans le journal, les articles sont classés par ordre d’importance et par catégories (sports, politiques,…). Ce travail éditorial est souvent inexistant sur le web ou est réalisé par des algorithmes (ce qui positionne souvent les infos divertissantes en premier).

Bien sûr, on peut remettre en cause les choix éditoriaux des JT et leur façon de traiter l’info mais fait intéressant : des études ont montrés une hausse d’audience pour les JT traditionnels depuis le Covid. Les forces du format traditionnel ont été reconnues intuitivement par les spectateurs.

Des contenus uniformisés, rapide à consommer !

Pour garder les internautes, tout doit aller vite. C’est pour ça que les génériques d’intro de vidéos ont quasiment disparu, l’action doit débuter directement. 53 % des internautes abandonnent une page si elle met plus de 3 secondes à se charger. Oui, 3 secondes !

Conséquence directe dans la vie réelle : notre accès, à tout, tout de suite sur la toile, réduit notre exposition à la frustration. Résultat : on accepterait de moins en moins d’être frustrés dans la réalité. N’avez-vous pas déjà eu cette impression que par rapport à internet la réalité semble parfois extrêmement lente ?

Sur YouTube et Instagram, la majorité des créateurs de contenus copient ce qui marche déjà. Les choix des sujets sont dictés par l’actu ou les recherches, que nous internautes, tapons sur Google. Pas étonnant de voir surnager dur la toile, les mêmes sujets, au même moment, dans les mêmes formats. La toile tourne en rond, dans un tourbillon de mêmes et crée de toute pièce des polémiques artificielles.

L'information liquide rend le monde illisible (Anonyme)

Le plus grand ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance mais plutôt l'illusion de la connaissance.

La surinformation raccourcit nos vies

Comme moi, vous avez peut-être déjà regretté d’avoir bousillé un jour de vacances, une soirée en scrollant sur internet, finissant par avoir mal à la tête à force de bingewatcher des vidéos. Quand je me rends compte de la quantité de temps jetée à la poubelle, cela n’y manque pas, je culpabilise…

Autre prise de conscience. Plus jeune, j’ai dévoré des caisses de livres. Des milliers d’infos qui m’auraient été utiles tout au long de ma vie ont traversé mon cerveau… mais elles l’ont juste traversé… plus aucune trace de tout ça ! 

Aujourd’hui, plus question que cela m’arrive, je prends systématiquement des notes de lecture. Le top. Pour  y avoir accès au bon moment et au bon endroit, j’ai mis en place un système de gestion des connaissances personnelles. 

L'infobésité rend bête

Est-ce que, comme moi, vous sentez que votre capacité d’attention a diminué ? Que votre mémoire tient plus de la passoire que de l’encyclopédie Universalis. Que vous n’arrivez plus à vous faire une opinion qui vous semble cohérente et juste ?
Pas de panique, si l’utilisation des nouveaux outils diminuent certaines de nos capacités, elle en augmente aussi d’autres. Nous sommes, par exemple, beaucoup plus doués qu’avant pour scanner rapidement une page à la recherche des infos pertinentes.

L'infobésité nous rend passif

Nous consommons… beaucoup… beaucoup de contenus. Nous sommes nombreux à y consacrer une grande partie de nos temps libres.
Avez vous déjà vécu ce moment… Vous étiez partis pour faire une recherche sur le net avec un objectif précis et vous vous retrouvez quelques minutes plus tard, devant tout à fait autre chose. Vous avez même presque oublié la raison de votre recherche.
Mais, il y a bien plus que cela. Même en restant cadré sur notre recherche initiale, on peut vite se sentir noyé·e les sommes d’informations à gérer. Au final, sans méthode, on peut lire des tonnes de choses intéressantes sans jamais les utiliser ni les mettre en pratique.

Et si nous limitions nos recherches à l’essentiel.

C’est prouvé, trop d’informations, trop de choix peut entraîner une paralysie de l’action. Par exemple, si vous devez vendre des confitures. Vous en vendrez plus si vous proposez 6 gouts plutôt que 24.

Trop de choix, trop d’informations à gérer inhibe l’action.

Mais que se passerait-il si nous passions une partie de ce temps à créer, à réaliser des choses ?

Et étouffe notre créativité ?

Les réseaux sociaux comme FB répondent à des questions que nous n’avions même pas posées. Le même reproche que celui fait à l’école traditionnelle : la curiosité des enfants s’éteint à mesure qu’on les gave de connaissances imposées. Et si c’était la même chose pour nous ? Et si la surcharge d’infos à traiter et la passivité de ce mode de consommation diminuait notre curiosité naturelle ?

Dans le même ordre d’idée, est-ce encore utile de passer des années à l’école à emmagasinner de la culture générale alors que l’on obtient toutes les réponses en 1 clic ?

OUI et NON !

OUI, c’est utile car cela permet à notre cerveau de faire des liens entre les idées intégrées et de raccrocher des infos fraiches à des connaissances pré-existantes. En fait, ce serait compliqué d’être créatif avec un cerveau vide, sans matière à travailler.

Et NON, car il est tout à fait possible d’externaliser une partie de ces informations dans une mémoire externe (voir cet article sur le second cerveau). Cela permet de libérer de l’espace pour générer de nouvelles idées. Et cette fonction de notre cerveau est impossible à externaliser !

L'infobésité : une bombe anti-démocratique

4 ingrédients pour un cocktails détonant :

Les algorithmes d’internet : les bons contre les méchants

Les géants du numérique (GAFAMA) nous « profile » comme des consommateurs en série. Leur but : rendre l’utilisation de leurs services confortables.

Et quoi de mieux pour nous être agréable que de nous donner raison ! Voilà pourquoi nous voyons dans nos fils d’actu des informations qui ont tendance à confirmer nos croyances. Trois faits viennent s’ajouter à ça.

UN : notre cerveau a une tendance naturelle à voir le monde sous le prisme eux et nous, bons et méchants.
DEUX : l’émotion, l’indignation nous entraîne à réagir et à partager davantage les informations. Les internautes partagent plus souvent des positions extrêmes que nuancées et modérées.
TROIS : Tout le monde peut diffuser de l’info. Or, à la base, la position du journaliste est d’essayer d’être le plus neutre possible, c’est ce qui garanti la démocratie. Pourquoi ? Parce qu’il faut que l’on puisse discuter sur des bases communes. Et ces bases communes, ce sont les faits ! Si les faits sont déformés, plus de bases communes et donc plus e démocratie possible.
Au final, difficile de s’entendre s’il nous est complètement impossible de comprendre la position opposée.

Désengagement citoyen

Beaucoup de citoyen·nes sont conscients de l’infobésité et des difficultés à bien s’informer. La méfiance face aux institutions, le manque de solutions entrainent certaines personnes à tout couper, et à se retirer dans leur bulle, se replier là où il peuvent agir, avoir un peu de contrôle. Ce qui amène un désngagement des citoyens au niveau de la société et donc, par opposition, un pont d’or à ceux qui veulent transformer toute la société en source de profit.

Messages à intention commerciale omniprésents

La majorité des messages que nous recevons chaque jour ont une intention commerciale, leur but est que nous consommions… Leur omniprésence autour de nous diffusent en permanence une certaine vision de la société. Nos besoins sont comblés par la consommation et la construction individualiste et aveugle de notre confort personnel (SUV, produits lowcost issus de l’exploitation humaine et de la planète ).

L’espoir, c’est nous… les infomédiaires utopistes ! 

Nous exerçons tous et toutes un nouveau rôle, celui d’infomédiaire. Nous l’exerçons à chaque fois que nous partageons, créons ou commentons une information sur internet. Et donc, nos actions et nos choix de partage contribuent à dessiner la société que nous souhaitons voir advenir.i

Comment éviter et/ou gérer l'infobésité ?

La prise de conscience est en cours ! On voit apparaitre sur internet des formations, des vidéos ou des podcasts qui visent à gérer des problèmes créés par l’infobésité : comment retenir les livres qu’on lit, comment se construire une expertise, comment reconnaitre les fakenews mais aussi des méthodes de détox digitale, de prises de note, d’organisation des infos…

Si ces formations sont utiles, ce ne sont que les pièces d’un puzzle. Cela manque d’une vision globale du problème, d’un changement de persepective.

infobesité - surinformation

 

Pour gérer l’infobésité, c’est tout notre rapport aux informations qui est à questionner.

1. Comprendre
– le contexte sociétal actuel et de ses enjeux (course au profit et qualité d’infos)
– les mécanismes de notre cerveau (biais cognitifs, gestion des infos)
– les techniques de manipulations utilisées pour influencer nos comportements –> (éducation aux médias et techniques marketing)
– notre rapport aux outils numériques (détox digitale, dépendance ou outil ?)
– les différents types d’informations existantes et leur utilité

2. Définir nos besoins (de quels type d’informations ai-je besoin ? )
3. Trier/filtrer/choisir (minimalisme mental, sobriété mentale, recherches d’alternatives et de sources enrichissantes)
4. Utiliser les outils numérique à notre avantage (éducation numérique, configuration, hack techniques)
5. Conserver les informations utiles (prise de notes, bullet journal, PKM-personnal knowledge management, + outils concrets).
6. Apprendre / renforcer des compétences : fortifier sa concentration malgré les distractions, connecter à l’existant, évaluer les infos….
7. Construire un écosystème informationnel qui permet d’avoir les bonnes infos au bon moment. Une interface simple, rassurante… qui nous accompagne au quotidien et nous donne un des superpouvoirs du 21ème siècle.

Et ça tombe bien, c’est le sujet de ce blog :-).

Sources : https://www.lifehack.org/articles/productivity/how-to-fight-information-overload.html

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