Médias déprimants, clash, violence, polémiques, mauvaises nouvelles… tout est foutu ? Et si… c’était une vision partielle de la réalité. Et si… cette sensation était créée artificiellement par le biais de négativité ? Devenu un outil marketing omniprésent, c’est un des des biais cognitifs les plus salutaires à connaître et reconnaître !
Biais de négativité et journalisme
Un des principaux reproches fait aux journaux télévisés, c’est qu’il nous abreuvent d’informations négatives, ou qu’ils prennent des angles angoissants, alarmistes pour nous parler de tout et n’importe quoi. Mais ce biais de négativité est partout.
Les youtubers ont aussi bien compris ce mécanisme : une vidéo marche beaucoup mieux avec un bon coup de gueule ou un clash. Pareil dans les débats TV. C’est même fascinant de voir comment le présentateur ou les chroniqueurs s’y prennent pour chercher la polémique, pour créer parfois artificiellement des échanges énervés et donc les buzz qui doperont l’audience.
Un ratio négatif aussi dans les commentaires sur internet. Vous l’avez sans doute déjà remarqué, les personnes laissent plus facilement des critiques négatives que positives, Or, quand on reçoit une critique négative elle nous marque plus qu’un commentaire positif. Selon des études, il faudrait entre 5-7 commentaires positifs pour contrer un commentaire négatif.
Le biais cognitif de négativité
Un biais cognitif est un phénomène psychologique qui amène notre cerveau à traiter une info d'une mauvaise manière. Ils nous font commettre des erreurs de jugement ou d’appréciation.
Le biais de négativité est le phénomène qui fait que, de façon générale, nous sommes plus sensibles aux choses négatives. Les informations négatives ; notre attention va être attirée par des titres tels que : Attention, Danger, Erreur, les expériences négatives…
De plus, en prenant davantage en compte les informations négatives que positives, on les retient aussi plus facilement.
On peut comparer la négativité à du velcro, ça accroche et le positif à un imperméable, le positif glisse comme s’il était naturel.
C’est pour cette raison que vous allez retenir ce feu rouge qui vous fait perdre du temps, alors que chance énorme, les 5 précédents étaient verts…
Le positif n’accroche pas, il glisse…
Survivre grâce au biais de négativité
Ce biais de négativité était très utile à nos ancêtres et nous a donné un avantage au niveau de l’évolution. En effet, pour assurer sa survie, sapiens sapiens a développé une attention particulière à tous les signaux d’alarme et il préférait surréagir en fuyant au moindre bruissement de feuilles plutôt que prendre le risque de se faire dévorer.
Aujourd’hui les dangers physiques sont devenus beaucoup plus rares. Nous devons surtout faire face à des dangers psychologiques comme le surmenage, le stress des fins de mois ou encore le stress d’une présentation en public. Et donc ce biais est devenu non seulement inutile mais même contreproductif, car il rajoute du stress inutile au stress déjà présent.
Pourquoi la négativité est-elle partout ?
Il capte l'attention
On sait que le négatif attire l’attention, nous donne envie de savoir, de cliquer… Des études ont aussi montré que nous partageons davantage les nouvelles qui nous indignent, nous mettent en colère…
donc si vous avez envie de capter l’attention, et d’obtenir des commentaires ou des partages de votre publication… Hé bien oui, vous pouvez utiliser le biais de négativité…
Il fait vendre
Nous avons aussi tendance à trouver que d’acheter des trucs est une bonne façon d’atténuer la tension, de faire descendre le stress. L’ anxiété est un bon levier marketing !
Pourquoi les journaux alimentent-ils cette anxiété ?
Ils doivent évidemment capter les auditeurs pour avoir de bons chiffres d’audience. Mais pour les journaux d’informations, l’explication peut être nuancée. Parce que pour avoir une actualité, il faut qu’il se passe quelque chose. Il faut un événement. Un avion qui arrive a bon port, un pays en paix, ça n’intéresse personne…
Mais il y a d’autres travers à ce système d’information : quelle est la la vision donnée de l’étranger ; l’image qui se forme dans mon esprit ce sont des pays en crises, des catastrophes, la pauvreté, … Malheureusement, ce qui va bien n’intéresse pas grand monde, pour preuve les mauvaises audiences des émissions qui mettent en avant des sujets positifs et les solutions alternatives.
Au vu de ces éléments, on pourrait d’ailleurs carrément remettre en question le principe même du JT : Est-ce la façon optimale de nous informer aujourd’hui ?
Quelles sont les conséquences sur nous ?
Ça endort notre esprit critique
Avez-vous déjà vu cette caméra cachée ou des employés de bureau se font surprendre par un dinosaure dans les couloirs de leur entreprise ? C’est drôle parce qu’ils fuient quasiment tous en courant, alors qu’avec un peu de réflexion, un dinosaure… ben, il y a peu de chance quand même.
C’est du au mécanisme de la peur, l’amygdale s’active dans notre cerveau, ce qui bloque notre réflexion. En gros, ça nous rend con pour mettre toutes nos ressources dans la fuite.
Logique, dans la savane, avec notre constitution et une vitesse de pointe à 40 km/h, nous avions plus de chance de nous en sortir si on commençait par s’enfuir avant de réfléchir.
Conséquence : un climat anxiogène entrave l’esprit critique et on a tendance à croire davantage, à moins remettre ne question une information catastrophiste qu’une information positive.
le Syndrome du grand méchant monde
C’est une expression créée par le sociologue George Gerbner dans les années 70 pour décrire le phénomène selon lequel les actes de violence rapportés dans les médias d’information contribuent à créer chez le public l’image d’un monde plus dangereux qu’il ne l’est en réalité.
Pour ne rien arranger, à cela s’ajoute une surreprésentation de comportements monstrueux dans les fictions comme par exemple dans les séries policières, les films d’actions…
Cela aurait un impact notamment sur notre sentiment d’insécurité.
Cela rend aussi toutes les horreurs beaucoup plus présentes. Un autre de nos biais cognitif est l’ heuristique de la disponibilité : on juge de la fréquence d’un phénomène, non pas en fonction d’éléments objectifs, mais en fonction de la facilité avec laquelle des exemples sont récupérés dans notre mémoire.
Autrement dit, si nous voyons un accident d’avion dans les médias, notre cerveau aura tendance à surestimer leur fréquence.
Notre cerveau déteste le vide… il cherche sans cesse à donner du sens, à remplir les vides avec ce qui lui semble le plus approprié. Mais parfois, il a tort…
Un sentiment d'impuissance
N’avoir que des nouvelles déprimantes sur l’état du monde est décourageant. Cela donne l’impression que quoi qu’on fasse, nous n’avons aucun impact, que les citoyens sont complètement impuissants face aux multinationales, que Goliath écrase à chaque fois David. Bref, que nous sommes impuissants à faire changer les choses.
Anne-Sophie Novel nous parle dans son livre du blues du fragile…. la terre et ses ressources limitées sont aussi fragile que l’individu qui est lui de plus en plus pauvre. On parle de la pauvreté, de la pollution, de la fragilité psychologique, politique… Difficile de ne pas généraliser tout ça en un fatalisme global.
Or, notre perception de la réalité est très partielle. On parle de dégradation des sols mais jamais du phénomène inverse : l’aggradation qui est le fait de les améliorer. Cela existe, c’est étudié et mis en place…
On parle aussi trop rarement de la force que peuvent avoir des êtres humains qui se mettent ensemble. Par exemple, l’Affaire du siècle a recueilli plus de 2 millions de signatures de citoyens et citoyennes. Et ils ont gagné, l’État français a été condamné pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Les informations qui nous parviennent sont souvent sélectionnées avec le biais de négativité.
Comment contrer ce biais ?
Nous pouvons compenser notre penchant naturel à la négativité !
Étape 1
Le plus important, c’est d’en prendre conscience, de surprendre son propre attrait pour ce type de nouvelles. Nous ne pouvons pas vraiment agir en amont sur les biais puisqu’il sont automatiques, mais nous pouvons, par contre, adapter notre comportement.
Étape 2
En en prenant conscience, on peut tout simplement supprimer une partie des sources qui utilisent ce biais pour capter notre attention à des fins mercantiles comme l’infotainment par exemple.
Étape 3
Et pour finir, il me parait sain de chercher à rééquilibrer la balance de façon consciente. Et donc aller chercher des médias qui ont un impact positif sur nous. Cela ne veut pas dire que nous devons supprimer les informations sur les problèmes du monde. Au contraire, ça nous permet de consacrer du temps à ces sujets en atténuant l’impression que tout est pourri, en allant chercher des articles plus fouillés, plus nuancés qui peuvent aussi parfois poser des pistes de solutions.
Comme nous savons que le négatif est comme le velcro, nous pouvons aussi accrocher les choses positives et porter consciemment notre attention dessus, pour les faire exister.
Notre responsabilité d’infomédiaires
Pour agir plus concrètement nous pouvons réfléchir avant de partager quelque chose :
Quel impact cela va avoir su la personne qui va recevoir ceci, est-ce utile ? Intéressant ? (certaines choses négatives restent intéressantes à diffuser).
Mais aussi diffuser davantage de nouvelles positives, de réussites citoyennes par exemple pour inspirer, redonner de l’espoir, le sourire et l’envie d’agir…
C’est vraiment quelque chose qui me tient à coeur. J’ai la conviction que diffuser des infos à impacts positifs qui s’adressent aux citoyens et non aux consommateurs peut participer à l’avènement d’un monde plus humain, plus juste…
Hans et Ola Rosling: Comment ne pas être ignorant sur le monde, TED, 11/09/2014, https://www.youtube.com/watch?v=Sm5xF-UYgdg&list=WL&index=44&t=282s
https://www.contrepoints.org/2018/06/30/319293-cet-ete-adoptez-le-regime-factfulness-dhans-rosling
Horizon – La France a peur: le syndrome du grand méchant monde, Horizon Gull, 11/11/2014, https://www.youtube.com/watch?v=8WiiqssAME4
https://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/4031234W/l-anxiete-un-bon-levier-marketing.html
The power of bad : and how overcome it Roy F. Baumester
https://www.rtbf.be/info/inside/detail_trop-anxiogenes-nos-journaux-a-la-rtbf?id=10674194
INTERVIEW. Notre vision du monde est-elle dictée par notre fil d’actualité ?, Mis à jour le 13 février 2021, Sophie Renassia, PositivR, https://positivr.fr/interview-reseaux-sociaux-votre-vision-du-monde-est-elle-dictee-par-votre-fil-dactualite/?utm_source=POSITIVR&utm_campaign=674c5a47ab-newsletter_quotidienne&utm_medium=email&utm_term=0_6404d9f752-674c5a47ab-406520135&mc_cid=674c5a47ab&mc_eid=9bfde003aa
Le test d’Hans Rosling : https://forms.gapminder.org/s3/test-2018
Les médias, le monde et moi, Anne Sophie Novel, Actes Sud, 23/10/2019, 978-2-330-12631-5
Grèce, corruption et pots-de-vins, Ina société, 02/07/2012 : https://www.youtube.com/watch?v=PpxRDBDisLg
Déforestation en Amazonie : 2020, la pire année depuis 12 ans, France 24, 01/12/2020 : https://www.youtube.com/watch?v=2XHqslinmAo
JESSY – CLASH DE YOUTUBEURS (Tibo Inshape, Cyprien, Michou, etc), Jessy, 10/11/2020 : https://www.youtube.com/watch?v=YIAMRPashyw&t=114s
Avis sur internet : le ras-le-bol des restaurateurs / JT du samedi 28 avril 2018, l’info à 100%, 29/04/2018 : https://www.youtube.com/watch?v=FptPAUwEV_M
IN-GRID – Tu Es Foutu [OFFICIAL VIDEO HD], Energy TV, 15/10/2010 : https://www.youtube.com/watch?v=oXMV2RBQwiY
Who wants to be a millionaire all songs // Touut les sons de Qui veut gagner des millions, mki wol, 26/07/2009 : https://www.youtube.com/watch?v=wHDojdjY0lQ&t=154s
Les CLASH de télé-réalité les plus violents ! (les Marseillais, les Anges, Secret Story…), Marion Sojes, 10/12/2020, https://www.youtube.com/watch?v=byOWXweiqcg&t=530s
Le Zapping des Matinales, présenté par Pascal Praud et décrypté par Clément Viktorovitch, Cnews.